Chansons du temps qui passe
C’est le temps
Texte et musique : Gilbert Troutet
C’est le temps
C’est le temps
Qui passe et qui s’en va
C’est le temps qui s’en va pour longtemps
C’est le temps
Que l’on a
Et tout le temps perdu
C’est le temps qui ne reviendra plus
C’est le temps
Qui nous presse
L’aiguille au cadran
C’est le temps qui prend le mors aux dents
C’est le contre
La montre
Le temps qu’il nous reste
Le temps le temps payé comptant
C’est le temps
À pas lents
Le temps boulets aux pieds
C’est le sable dans le sablier
C’est le temps
Que l’on tue
Qui va comme tortue
C’est le temps qu’on voudrait oublier
C’est le temps
C’est le temps
Qui passe et qui s’en va
C’est le temps qui s’en va pour longtemps
C’est le temps
Ce brigand
Qui fait nos cheveux blancs
Et dérobe nos derniers printemps
C’est le temps
C’est le temps
Qui passe et qui s’en va
C’est le temps qui s’en va pour longtemps
C’est le temps
Que l’on a
Et tout le temps perdu
C’est le temps qui ne reviendra plus
© 2015
Les gens de mon pays
Texte et musique : Gilbert Troutet
Voici les gens de mon pays
J'écris pour eux cette chanson
C'est auprès d'eux que j'ai grandi
Ils sont un peu de ma maison
Je leur garde au cœur un abri
Une auberge en toute saison
Voici les gens de mon pays
Voici les gens de ma chanson
Ils ont pris racine dans l'argile
Qui colle à leurs souliers
Ils ont vécu jour après jour
À l'ombre du même clocher
Combien de fois ont-ils entendu
De leurs champs midi sonner
Et la nuit chantent les fontaines
Qui les ont toujours bercés
Ils ont le visage tanné
Par le soleil des fenaisons
Ils ont au front les mêmes rides
Que les plis de leurs sillons
Leurs mains racontent aux gens des villes
Ce que coûte une moisson
Le dos voûté d'un pas tranquille
À leur journée ils s'en vont
Ils ont le Bon Dieu sur leur tête
Qui fait la pluie le beau temps
Ils plantent des croix sur leurs terres
Pour que lève le froment
Ils ne craignent ni la misère
Ni la disette cependant
Ils ont le Bon Dieu sur leur tête
Qui fait souffler le bon vent
Vienne la neige un soir d'automne
Ils se retrouvent au coin du feu
À taper le tarot les hommes
Et les femmes à causer un peu
Deux ou trois enfants caracolent
On n'entend pas beaucoup les vieux
Puis ils s'en retournent et s'endorment
C'est leur façon d'être heureux
Ce sont les gens de mon pays
Je leur dédie cette chanson
Ils sont un peu de mes amis
Ils sont un peu mes compagnons
Ils ont dans le cœur un abri
Une auberge en toute saison
Ce sont les gens de mon pays
Ce sont les gens de ma chanson
© 1976
La poésie
Texte et musique : Gilbert Troutet
Elle est de vague et de rivière
Elle est de colère et de vent
Elle est la lune familière
Posée sur un rêve d’enfant
Elle est dentelle à mes hivers
Elle est l’envers de mes saisons
Bouteille jetée à la mer
Elle est folie et déraison
Elle fait naître des étoiles
Au ciel où courent des chevaux
Elle élève des cathédrales
À la liberté de l’oiseau
Elle est brise venue du large
Elle est poussière d’océan
Elle est sirène à l’abordage
Elle est légende de géants
Elle est pour moi la poésie
Elle est image à ma chanson
Elle est voisine du silence
Ne parle que du bout des mots
Elle est compagne dans l’absence
Elle est de larmes et de sanglots
Elle est bohème, elle est galère
N’a ni couronne ni drapeau
Elle est de peine et de misère
Elle est Nelligan et Rimbaud
Elle est jeunesse buissonnière
Elle est promesse de vingt ans
Elle a des ailes de lumière
Ouvertes une nuit de printemps
Elle est la lèvre qui soupire
Baiser volé d’adolescent
Elle est de fièvre et de désir
Elle est de passion et de sang
Elle est pour moi la poésie
Elle est visage à ma chanson
Elle apprivoise les montagnes
Coiffe d’azur les horizons
Bâtit des châteaux en Espagne
Et dessine aux murs des prisons
Elle est d’espoir et de possible
Fragile comme papillon
Elle est de rêve et d’invisible
Petit prince ou Cendrillon
Elle est pour moi la poésie
Elle est musique à ma chanson
© 2014
Mon père
Texte et musique : Gilbert Troutet
Mon père avait toujours
De la poudre à fusil
Un chien pour le terrier
Du plomb pour les perdrix
Quand il manquait d’ gibier
Quand il n’avait rien pris
Fallait qu’on braconnier
Fût passé avant lui
Mon père avait toujours
Sur la table à midi
Un canon d’ordinaire
Ou de vin d’Algérie
Et pour l’art culinaire
Avait ses théories
La soupe était trop claire
Le pot-au-feu mal cuit
Mon père avait toujours
Un bonbon pour les p’tits
Dans le fond du placard
Deux ou trois sucreries
Qu’ils s’appellent Gaspard
Manuel ou Jérémie
Tous ces petits lascars
Étaient gâtés pourris
Mon père aimait toujours
Amuser la galerie
Taquiner les bergères
Qui sentaient l’patchouli
Ses histoires de belles-mères
Et de macaronis
Y’ aurait de quoi en faire
Une encyclopédie
Mon père avait toujours
À la cave un baril
Où marinaient des prunes
Pour faire du jus de fruit
Par les veillées sans lune
Dès qu’il faisait bien nuit
Il tentait la fortune
Et chauffait l’alambic
Mon père avait toujours
Dans sa boîte à outils
La clé qu’il vous manquait
Quand vous étiez mal pris
Mais quand il lui fallait
Le marteau ou la scie
C’est quelqu’un qui l’avait
À l’autr’ bout du pays
Mon père avait toujours
Le respect du képi
Képi de militaire
Ou de gendarmerie
Mais il partait en guerre
Et chargeait son fusil
Sitôt qu’on parlait d’faire
Un peu d’écologie
© 1998
Il était un château
Texte et musique : Gilbert Troutet
Ça faisait si longtemps qu’il était là debout
Avec ses quatre murs offerts à tous les vents
Ça faisait si longtemps qu’il était là debout
Patriarche de pierre au regard apaisant
Il en avait tant vu de guerres et de barouds
De fêtes au château de chevaliers servants
Ce qu’il en avait entendu tonner des coups
Ça faisait si longtemps qu’il était là debout
Ça faisait si longtemps qu’il était planté là
À regarder passer chevaux et paysans
Ça faisait si longtemps qu’il était planté là
Vestige d’un passé conjugué au présent
On savait un trésor sous les pans de son toit
Embué de mystère et jauni par les ans
L’histoire de nos pères de baptême à trépas
Ça faisait tant d’années s’était amassée là
Ça faisait tant d’années que des hordes d’enfants
Animaient de leurs cris la cour et le préau
Ça faisait tant d’années qu’assis sur de vieux bancs
On usait nos culottes devant le tableau
Et combien de cortèges enrubannés de blanc
Ont gravi l’escalier qui menait tout en haut
En haut de cette tour où dormaient nos serments
Ça faisait tant d’années et combien de printemps
Mais le sort a voulu qu’un matin de novembre
Avant le petit jour tout s’envole en fumée
Et les gens du pays devant ce tas de cendres
Ont retenu leurs larmes pour ne pas pleurer
Ainsi s’en est allé ce passé de légende
En pépites de feu et flocons de papier
Ainsi s’en est allé dans le ciel de novembre
L’histoire du château qu’on nous avait contée
Ainsi s’en est allé dans le ciel de novembre
L’histoire du château qu’on nous avait contée
© 1993
De ce côté de la rivière
Texte et musique : Gilbert Troutet
De ce côté de la rivière
De ce côté de l’eau
J’avais un petit coin de terre
Alentour des troupeaux
J’avais ton visage ma mère
De ce côté de l’eau
Sur l’autre bord de la rivière
L’est un pays nouveau
Vers l’autre bord de la rivière
J’ai lancé mon radeau
J’ai vu ton visage ma mère
T’avais les yeux pleins d’eau
De ce côté de la rivière
De ce côté de l’eau
Entre gentianes et fougères
J’ai laissé mon hameau
J’ai des souvenirs en jachère
De ce côté de l’eau
Sur l’autre bord de la rivière
J’ai jeté mon radeau
J’ai retourné un coin de terre
Et planté mon drapeau
J’ai bâti famille et chaumière
Au milieu des bouleaux
De ce côté de la rivière
Suis revenu tantôt
On m’a dit Paul on m’a dit Pierre
Sont partis pour là-haut
Les choses vont bien ordinaires
De ce côté de l’eau
Sur l’autre bord de la rivière
Au milieu des bouleaux
Les étés chassent les hivers
Ça fait trente ans bientôt
Souvent je regarde en arrière
De ce côté de l’eau
De ce côté de la rivière
De ce côté de l’eau
Entre gentianes et fougères
Entre lande et roseaux
Il est un joli coin de terre
De ce côté de l’eau
© 2006
Depuis
Texte et musique : Gilbert Troutet
Depuis que je bats la campagne
À ta recherche mon amour
Que je franchis mers et montagnes
Sans tapage ni tambour
Que je m'approche tu t'éloignes
Tu t'enfermes dans ta tour
Tu es comme reine d'Espagne
Et moi troubadour
Depuis le temps que je m'invente
Des chemins pour te trouver
Que je t'attends que je patiente
Et que je me perds à rêver
Depuis le temps que je fomente
Un scénario pour t'enlever
Pour faire de toi mon amante
Pour te prouver
Mon amour
Mon amour
Depuis le temps que je m'enivre
De ce parfum qui te suit
Et que je te regarde vivre
Au gré de ta fantaisie
Depuis le temps que je me livre
À des moments de jalousie
Je m'égare à vouloir te suivre
Où tu me conduis
Depuis le temps que je m'efface
Que je garde mon secret
Je me répète et je ressasse
Les mots que je te dirais
Depuis le temps que je préface
Le roman que j'écrirais
Je t'y ferais toute la place
Tu deviendrais
Mon amour
Au grand jour
Depuis le temps que je t'admire
Que sur toi je m'extasie
Depuis le temps que tu m'inspires
Des poèmes jamais dits
Tu es la Roxane l'Elvire
De ma douce tragédie
Tu es le souffle sur ma lyre
Ma poésie
Mais à mesure que le temps passe
Il emporte nos plus beaux jours
Il met des pièges sur tes traces
Il fait des rides à mon amour
Quand trouverai-je assez d'audace
Pour te dire sans détour
Tu es mon soleil mon espace
Tu es toujours
Mon amour
Mon amour
© 2002
Prisonnier
Texte : Claude Guyon
Musique : Gilbert Troutet
Il voudrait voir le jour
Sortir de cette nuit
S’enfuir de ce réduit
Aussi sombre qu’un four
Il tourne il vrille il bouge
Au fond de ce trou noir
Impatient il voit rouge
C’est le rouge et le noir
Le monde et l’avenir
Sont derrière cette porte
Et pressé d’en finir
Fou furieux il emporte
Un tout petit morceau
Du mur de sa prison
Un instant de repos
Par ce petit trou rond
Par ce petit trou rond
Il entrevoit la vie
Un grand espoir au cœur
Il s’acharne au labeur
Le trou rond s’agrandit
C’est alors que ravi
Blanc dodu merveilleux
Mon gros orteil jaillit
De ma pantoufle bleue
De ma pantoufle bleue
© 2016
Et lon lon la
Texte : Alphonse Piché (1946)
Musique : Gilbert Troutet et Bertrand Crépeault
Et lon lon la nous partirons
Petits soldats des grandes guerres
Et lon lon la nous foulerons
De par les landes étrangères
Les ossements laissés naguère
En de formidables ragoûts
Par nos grands-pères et nos pères
Avec des gens de rien du tout
Et foncera le bataillon
Par les marais et les ornières
Sous la mitraille sans façon
Parmi les bombes sans manière
L’un verra ses tripes mystère
Dedans ses mains comme un joujou
Un autre fouillera la terre
Avec des gens de rien du tout
Et lon lon la quand finiront
Nos aventures militaires
Et lon lon la quand traîneront
Les savates de nos misères
Sur les asphaltes légataires
De ce qui restera de nous
Nous viderons nos ministères
Avec des gens de rien du tout
Blessés crevés vétérans hères
Maigres chômeurs enrôlez-vous
Pour les batailles d’après-guerre
Avec des gens de rien du tout
© 2016
Chanson à Nono
Texte : Michel Bühler
Musique : Nono Müller
Allez tu verras on va faire une chanson
Qui parlera au cœur des filles que nous aimons
Avec des mots plus frais que la rosée des champs
Avec des mots si doux qu’on verra le printemps
Avec des mots si beaux avec des mots si grands
Qu’ils contiendront la terre et la neige et le vent
Avec des mots si beaux avec des mots si grands
Qu’ils contiendront la terre et la neige et le vent
Allez tu verras on va faire une chanson
Qui parlera au cœur des gens que nous aimons
Avec une musique que tu mettras dessus
Et ce sera comme si tu retrouvais la vue
Et dans tous les refrains au cœur de chaque note
On verra le soleil et des drapeaux qui flottent
Et dans tous les refrains...
Allez tu verras on va faire une chanson
Belle comme un jour de fête tendre comme un frisson
Qui parlera au cœur de tous les gens du monde
Que les gamins dessus danseront une ronde
Elle sera rien qu’à toi rien qu’à toi mon ami
Et on la chantera pour oublier la nuit
Elle sera rien qu’à toi…
© 1969
Mon enfance
Texte et musique : Gilbert Troutet
Dans ce village de France
Où nous étions gamins
J’ai laissé mon enfance
Arrêtée en chemin
J’ai dans la tête qui dansent
Comme des lutins
Images et souvenances
De ce temps lointain
C’était la belle insouciance
Et fi du lendemain
Y avait la providence
Pour veiller au grain
On jouait avec un rien
Ficelle ou bien chiffon
Deux branches de sapin
Et l’on avait maison
On courait par les ravins
Les haies et les buissons
On était Tartarin
Et c’était Tarascon
Les gens nous disaient mandrins
Les autres polissons
Les jours étaient refrains
La vie était chanson
Mon enfance
Le temps a passé
Quand j’y pense
Le temps le temps
Qui t’a emportée
Mon enfance
On allait au bord de l’eau
Taquiner le poisson
Y en avait jamais gros
Au bout de l’hameçon
On mouillait dans le ruisseau
Nos bas de pantalon
Pour guider nos vaisseaux
D’écorces et de bâtons
On se disait matelot
Pirate ou Robinson
Chacun voulait son lot
D’audaces et de frissons
Mon enfance…
Et quand arrivait la neige
On dévalait du haut
De la côte en cortège
De luges et traîneaux
On refaisait le manège
Cent fois au galop
Fallait que rien n’abrège
Nos joies de marmots
Noël et ses sortilèges
Arriveraient bientôt
Le Jésus de la crèche
Apportait nos cadeaux
Mon enfance…
© 2004
Lac-à-la-clé
Texte et musique : Gilbert Troutet
À Key Lake (traduit librement par Lac-à-la-clé), en Saskatchewan, se trouve une mine d’uranium où se produisit en 1984 une fuite majeure d’eau radioactive. Voilà pourquoi cette chanson innocente.
Cet été, on va s’amuser
Au lac-à-la-clé
Les deux pieds dans l’eau colorée
Au lac-à-la-clé
Y’ aura des p’tits poissons sur le dos
Des orignaux morts au fond d’ l’eau
Quand on ira faire un gros plongeon
On sortira tout plein d’ boutons
Cet été, on ira s’ baigner
Au lac-à-la-clé
Jusqu’au nez dans l’eau parfumée
Au lac-à-la-clé
On verra pas les Indiens du coin
Ils sont partis beaucoup plus loin
On leur a dit qu’ils risquaient rien
Mais faudrait leur faire un dessin
Cet été, on ira pêcher
Au lac-à-la-clé
Du brochet pis du beau doré
Au lac-à-la-clé
Les gens du gouvernement c’est vrai
Ont déclaré la semaine dernière à la télé
Il ne faut surtout pas s’inquiéter
Car tout danger est écarté
Cet été on ira camper
Au lac-à-la-clé
Ce s’ra bon bon pour la santé
Au lac-à-la-clé
Paraît qu’ l’uranium qu’on trouv’ là-bas
On en amasse des gros tas
Qu’est-ce qu’on en fait où il s’en va
Quand tu demandes on t’ répond pas
Cet été on pourra s’baigner
Au lac-à-la-clé
Cet été on va s’amuser
Au lac-à-la-clé
© 2016
Tous les titres : © SOCAN
Album précédent : Chansons pour dire
Recueil de chansons et poésie : Éditions du Vermillon (Ottawa)